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Liminaire pour Nahoum


     Trois chapitres, quarante-sept versets, composent la harangue contre Ninevé (Ninive) attribuée à Nahoum, dont le nom dérive d’une racine nhm qui évoque l’idée de réconfort. De cet inspiré, nous ne savons strictement rien, et, s’il était d’Èlqosh (1,1), nul ne saurait dire où se trouvait cette localité.

     L’activité littéraire de l’inspiré est postérieure à 663, année de la prise de No Amôn (Thèbes) par Assurbanipal. Elle doit se situer vers 612, année de la chute de Ninive, quand, au mois d’août, la capitale assyrienne fut prise et rasée par les armées des Babyloniens et des Mèdes.

     Nahoum illustre la grande tradition des inspirés d’Israël, dont il est un des derniers exemples. Son poème retentit des plus émouvants accents de la poésie hébraïque, ceux du chant de Déborah (Jg 5), ceux de l’élégie de David sur Shaoul (Saül) et Iehonatan (Jonathan) (2 S 1,19-27). Il les dépasse peut-être par la toute-puissance de ses rythmes et de ses images.


Chapitre 1.

Le vengeur

1.     Charge de Ninevé.
Acte de la contemplation de Nahoum d’Èlqosh.
2.     Él ardent, vengeur, IHVH-Adonaï, vengeur, IHVH-Adonaï,
maître de la fièvre, vengeur IHVH-Adonaï, contre ses oppresseurs !
Il surveille ses ennemis, lui !
3.     IHVH-Adonaï, long de narines, grand en force, il n’innocente pas, il n’innocente pas.
IHVH-Adonaï dans l’ouragan, sa route est dans la tempête;
la nuée est la poudre de ses pieds.
4.     Il rabroue la mer et l’assèche, il tarit tous les fleuves.
Étiolés, le Bashân, le Karmèl; étiolée, la fleur du Lebanôn.
5.     Les montagnes tremblent de lui, les collines se liquéfient.
La terre sursaute en face de lui, le monde et tous ses habitants.
6.     En face de sa fureur qui tiendra ?
Qui se dressera dans la brûlure de sa narine ?
Sa fièvre liquéfie comme un feu; les rocs se démantèlent devant lui.
7.     IHVH-Adonaï est bon, un retranchement au jour de la détresse;
il connaît ceux qui s’abritent en lui.
8.     Dans l’inondation qui passe, de son lieu il fait une extermination;
la ténèbre poursuit ses ennemis.

9.     Que pensez-vous de IHVH-Adonaï ? Il fait l’anéantissement;
la détresse ne se dressera pas deux fois.
10.     Oui, comme un hallier d’épines, saouls de saouleries,
ils seront mangés à plein, comme de la paille séchée.
11.     De toi sort celui qui a pensé à mal contre IHVH-Adonaï, le conseiller de Belia‘al.
12.     Ainsi dit IHVH-Adonaï: Si parfaits, si multiples qu’ils soient,
ainsi ils seront tondus, ils passeront.
Je t’ai violentée, je ne te violenterai plus.
13.     Maintenant, je briserai son entrave sur toi; je désagrégerai tes liens.
14.     IHVH-Adonaï l’ordonne pour toi: il ne sera plus rien semé en ton nom.
De la maison de tes Elohîms je tranche la sculpture et la fonte;
je te mets au sépulcre: oui, tu es maudit.

Chapitre 2.

À l’assaut de Ninevé

1.     Voici sur les montagnes les pieds de l’annonciateur,
le hérault de la paix !
Fête tes fêtes, Iehouda, acquitte tes voeux !
Car Belia‘al ne continuera plus à passer en toi: il est tout entier tranché.
2.     Le disperseur est monté contre tes faces.
Fortifie ta forteresse, guette la route,
renforce les hanches, raffermis la force, fort.
3.     Oui, IHVH-Adonaï fait retourner le génie de Ia‘acob,
semblable au génie d’Israël, que les vidangeurs avaient vidangé;
ils avaient détruit leurs sarments.
4.     Le bouclier de ses héros rougeoie, les hommes de valeur sont écarlates,
dans le feu des aciers du char, le jour où ils l’affermissent;
les dards sont empoisonnés.
5.     Dans les allées, le char fonce; ils claquent, visibles comme des torches;
ils foncent comme des éclairs.
6.     Il se rappelle ses majestueux, qui trébuchent dans leurs allers;
ils se hâtent vers le rempart, où le faîtage est prêt.
7.     Les portes des Fleuves s’ouvrent, le palais fond.
8.     L’Idole est découverte et enlevée;
ses servants roucoulent comme d’une voix de palombe
et tambourinent de leur coeur.
9.     Ninevé était comme l’eau d’une piscine depuis toujours.
Ils s’enfuient: « Arrêtez ! Arrêtez ! » Mais nul ne fait face.
10.     « Pillez l’argent ! Pillez l’or ! »
Pas de fin au contenu, plus lourd que tous les objets convoitables.
11.     Le rapt, la rafle, le ravage, le coeur fond, les genoux titubent;
la trépidation dans toutes les hanches;
toutes les faces sont crispées, atrabilaires.
12.     Où est-il le repaire des lions, la pâture des lionceaux ?
Où qu’il aille: « Un lion, une lionne ! là, un petit de lion ! »
Et pas de perturbateur !
13.     Le lion lacère pour ses petits, il étrangle pour ses lionnes;
il remplit de proies ses trous; ses tanières, de bêtes lacérées.
14.     Me voici contre toi ! harangue de IHVH-Adonaï Sebaot.
Je fais brûler tes chars en fumée, l’épée dévore tes lionceaux:
je tranche ta proie de la terre.
La voix de ton messager ne s’entend plus.

Chapitre 3.

Ville de sangs

1.     Hoïe ! Ville de sangs, toute de félonie, pleine de déchirure !
La prédation ne s’en retirera pas.
2.     Voix du fouet, voix de trépidation de la roue,
cheval au galop, chariot qui danse !
3.     Cavalier à l’assaut, flamme de l’épée, éclair de la lance !
Multiplicité des victimes, lourdeur des carcasses !
Pas de fin aux carcasses; ils trébuchent sur leurs cadavres !
4.     Par la multiplicité des putineries de la putain,
bonne de grâce, maîtresse de sorcelleries,
vendeuses de nations par ses putineries, de clans par ses sorcelleries,
5.     me voici contre toi ! harangue de IHVH-Adonaï Sebaot.
Je découvre tes rebords contre tes faces;
et je fais voir ton sexe aux nations, aux royaumes de la turpitude.
6.     Je jette contre toi des abjections, des charognes;
je te mets comme de la chiasse.
7.     Et c’est, qui te verra errera loin de toi et dira: « Razziée, Ninevé ! »
Qui hochera sur toi ? Où demanderai-je des réconforts pour toi ?

La fin de Ninevé

8.     Serais-tu meilleure que No Amôn assise parmi les Ieorîm;
des eaux autour d’elle, dont l’enceinte, son rempart,
allait de la mer à la mer ?
9.     Koush revigorée, et Misraîm sans fin;
Pout, les Loubîm étaient à ton aide.
10.     Elle aussi, en exil elle est allée, en captivité.
Ses nourrissons aussi ont été déchiquetés en tête de toutes les allées.
Ils ont manié le sort sur ses glorieux;
tous ses grands ont été enchaînés aux fers.
11.     Toi aussi, tu t’enivreras, tu t’occulteras;
toi aussi, tu demanderas un retranchement contre l’ennemi.
12.     Toutes tes forteresses seront des figues de prémices:
mûres, elles tombent dans la bouche du mangeur.
13.     Voici ton peuple, des femmes en tes entrailles.
À tes ennemis, elles étaient ouvertes, ouvertes les portes de la terre;
le feu a mangé tes verrous.
14.     Pompe pour toi des eaux pour le siège; renforce tes forteresses !
Viens dans le limon, piétine l’argile, saisis le moule à brique !
15.     Là, le feu te mangera, l’épée te tranchera;
il te mangera comme la larve.
Alourdis-toi comme une larve; alourdis-toi comme un criquet !
16.     Tu avais multiplié tes colporteurs plus qu’étoiles des ciels:
la larve se déploie et s’envole.
17.     Tes cerbères sont comme des criquets,
tes greffiers comme des imagos campés dans les haies, un jour de gel.
Le soleil brille, ils errent. Nul ne connaît leur lieu, là où ils étaient.

18.     Tes pâtres somnolaient, roi d’Ashour;
tes majestueux, dans leurs demeures !
Ton peuple a été dispersé sur les montagnes; et pas de regroupeur !
19.     Pas de rémission pour ta brisure; pernicieux, ton coup !
Tous les entendeurs de ta rumeur font résonner les paumes contre toi.
Oui, contre qui ton mal n’est-il pas passé en permanence ?